Publié le 15/05/2025
Arnaud Poirel : Notre solution innovante permet d’extraire du lithium à partir de sources liquides non exploitées. C’est une technologie brevetée qui se distingue par son extrême sélectivité. Contrairement, aux méthodes traditionnelles d’extraction minière et aux processus d’évaporation utilisés dans les salars, elle vise à isoler efficacement le lithium même lorsqu’il présent dans les sous-sols en faible concentration. Notre méthode sélective repose sur un matériau synthétisé spécialement pour capter les ions lithium. Elle est applicable à très grande échelle, au-delà des expérimentations en laboratoire.
Arnaud Poirel : Le fondateur de l’entreprise est issu du secteur de la géothermie. Au fil des projets, il a découvert des concentrations significatives de lithium dans les eaux géothermiques. Face à la demande croissante liée à cette ressource et à la transition vers une mobilité plus verte, il a vu une opportunité technique et économique d’exploiter ces gisements. Mais aucune technologie satisfaisante n’existait pour exploiter au mieux le lithium présent, ce qui l’a conduit à créer Geolith en 2016 dans le but de concevoir un procédé inédit.
Arnaud Poirel : Actuellement, les principaux gisements de lithium sont situés en Amérique du Sud et en Australie, où des techniques conventionnelles sont mises en œuvre. Dans un contexte de souveraineté économique et de diversification des ressources, l’Europe cherche à exploiter de nouvelles sources. Il devient aujourd’hui technologiquement pertinent de valoriser des gisements qui auparavant ne pouvaient pas être exploités.
Un autre enjeu crucial de notre innovation concerne le recyclage des batteries, souvent désigné sous le terme de « mine urbaine ». Avec l’augmentation du nombre de véhicules électriques, un flux important de batteries en fin de vie est attendu. La technologie développée par Geolith peut être utilisée pour récupérer et purifier le lithium contenu dans ces batteries, afin qu’il puisse être réintroduit dans de nouvelles productions. Cette perspective permettrait non seulement d’améliorer l’indépendance économique, mais aussi de limiter l’impact environnemental lié à l’extraction de nouveaux minerais.
Arnaud Poirel : Les méthodes conventionnelles nécessitent de vastes zones d’évaporation et consomment d’énormes quantités d’eau et de produits chimiques. Le procédé de Geolith repose sur un traitement similaire à celui de la purification de l’eau. Il réduit les émissions de CO2 et minimise les impacts sur les sols. Le matériau utilisé pour capter le lithium peut également être réemployé à plusieurs reprises.
Par ailleurs, les techniques d’extraction utilisées traditionnellement dans les salars impliquent une évaporation de l’eau souterraine sur d’immenses surfaces, pour de récolter des sels de lithium, tels que le chlorure de lithium. Ce procédé nécessite entre 12 et 24 mois, avec une consommation colossale d’eau qui assèche des régions déjà arides. Notre technologie est beaucoup moins consommatrice en ressources, et offre ainsi une alternative plus respectueuse de l’environnement tout en permettant l’exploitation de nouveaux gisements.
Arnaud Poirel : Actuellement, l’entreprise est au stade du démonstrateur : nous commençons à commercialiser nos technologies à une échelle préindustrielle et mettons en place toute la chaîne nécessaire à la fabrication et à la vente.
Nous sommes implantés sur deux sites. Notre siège social et notre laboratoire de recherche et développement (R&D) sont situés en région parisienne, à Orsay. En complément, l’unité de prototypage et de production se trouve en Alsace, à Schiltigheim. Cette double localisation permet d’associer expertise scientifique et capacité de fabrication, ce qui est essentiel au développement industriel.
Un projet majeur est en cours : la construction d’un démonstrateur de grande envergure prévu pour l’été, une véritable mini-usine capable de produire du lithium à un niveau semi-industriel. Cet équipement, conçu pour générer environ 200 tonnes de carbonate de lithium équivalent (LCE) par an, vise à être vendu à un client avant la fin de l’année pour une exploitation d’au moins un an. Ce projet marque une avancée significative vers l’industrialisation complète de la technologie.
Arnaud Poirel : Concernant ses marchés cibles, l’entreprise ne se limite pas au recyclage des batteries lithium-ion, un secteur encore en cours de maturation. Son activité principale concerne l’exploitation des ressources naturelles, notamment l’eau issue de la géothermie, les eaux de production pétrolière et les salars. Les industriels de ces domaines sont donc potentiellement nos interlocuteurs.
Certains puits de pétrole peuvent être convertis en puits de lithium une fois épuisés. Aux États-Unis, ce modèle suscite un intérêt particulier, notamment parmi les grandes compagnies pétrolières cherchant à diversifier leurs activités vers des solutions plus durables. Les infrastructures pétrolières existantes offrent un cadre technique déjà opérationnel pour l’extraction du lithium.
La géothermie représente un autre champ d’exploitation très prometteur : plutôt que de réinjecter l’eau directement après utilisation, il est possible d’en extraire le lithium. Par ailleurs, certaines industries utilisent du lithium dans leurs procédés et génèrent des effluents à traiter, ce qui ouvre d’autres opportunités de valorisation pour Geolith.