Publié le 19/03/2024
Quentin Perron : Notre solution est née d’un constat simple : depuis de nombreuses années déjà, il est possible de concevoir des algorithmes pour identifier des molécules destinées à l’élaboration de médicaments. Pourquoi ne pas aller plus loin et créer un algorithme destiné à imaginer des molécules pertinentes, en se servant du Natural Language Processing (NLP) ?
Ces algorithmes intelligents, qui existaient bien avant ChatGPT, permettaient déjà de générer du texte dans les années 2010. Puisque les molécules peuvent s’encoder sous forme de texte, notre idée a été d’entraîner les algorithmes à générer du texte de molécules.
Cette approche originale s’est rapidement révélée pertinente, notamment en termes de gains de temps. Iktos a ainsi vu le jour en 2016.
Q. P. : La découverte d’une molécule implique un processus itératif qui se déroule sous forme de cycles successifs. La sélection de molécules potentiellement intéressantes passe par le respect d’un certain nombre de critères listés dans un cahier des charges.
En plus de leur intérêt face à une pathologie, elles doivent par exemple être stables, non toxiques, sélectives et actives sur la cible donnée. Tant qu’elles ne répondent pas à tous les critères indispensables, le chimiste modifie et remodifie la molécule en apportant des éléments nouveaux, jusqu’à arriver à un résultat satisfaisant. Ce processus peut être très long et hasardeux.
Grâce à Makya, notre outil d’IA générative, le chimiste bénéficie d’une aide précieuse puisqu’il est conseillé par la solution sur des molécules à tester qui s’avèrent optimales et en phase avec l’ensemble des objectifs à atteindre. Nous disposons d’une autre solution d’IA, appelée Spaya, qui indique ensuite comment fabriquer les molécules retenues, en détaillant toutes les étapes de synthèse. Les molécules résultantes testées, peuvent alors à nouveau être ajoutées dans Makya, qui va à nouveau suggérer de nouvelles idées au chimiste grâce à ces nouveaux points de données.
Q. P. : Tout à fait. Notre offre va même encore plus loin. Avec Makya, qui imagine des molécules, et Spaya, qui indique la manière de les synthétiser, tous les ingrédients sont réunis pour fabriquer concrètement les molécules. Il ne restait plus qu’à franchir ensuite le cap de la production.
C’est ce que nous avons fait en investissant récemment dans un robot de chimie de synthèse, pour élaborer concrètement les molécules, afin de boucler la boucle et de proposer ainsi une offre globale dans ce domaine.
Le potentiel de cette approche innovante globale est très fort. La finalité est de pouvoir mettre sur pied des laboratoires qui travaillent avec un maximum d’autonomie, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, afin de produire les molécules pertinentes contre les pathologies de demain. En travaillant de manière traditionnelle, un chimiste procède à 2 à 3 réactions chimiques par jour. Avec notre plateforme robotisée, l’objectif est d’en réaliser une centaine par jour, ce qui accélère considérablement les étapes de recherche.
Q. P. : L’objectif est de mettre cette technologie à disposition de la recherche de médicaments contre des pathologies pour lesquelles il n’y a pas ou peu de pistes intéressantes à l’heure actuelle. Les domaines concernés peuvent être la cancérologie, avec des cancers résistants par exemple, ou des problématiques d’immuno-inflammation, comme dans le cas des lupus. A noter que des applications sont également possibles en agrologie pour l’identification de molécules plus respectueuses de l’environnement par exemple.
Q. P. : Iktos compte aujourd’hui 70 salariés. Nous préparons une nouvelle levée de fonds pour fin 2024 au début 2025, afin de faire grossir notre effectif, d’augmenter nos capacités de production en laboratoire, de poursuivre notre pipeline de recherche interne, dans l’optique de développer nos propres médicaments. Nous travaillons aujourd’hui sur 4 cibles thérapeutiques pour lesquels le défi est d’accélérer nos travaux.
Nous sommes déjà positionnés sur des marchés étrangers où la recherche pharmaceutique est très active : les États-Unis, l’Allemagne, la Suisse, la Grande-Bretagne et le Japon notamment. L’enjeu est de renforcer notre présence sur ces marchés.