RECYC’ELIT : Le recyclage textile à l’aube d’une nouvelle ère

L’association du polyester et d’autres matériaux est omniprésente dans l’industrie textile mais elle pose un défi majeur en matière de recyclage. Grâce à un procédé innovant, Recyc’Elit parvient à dissocier ces matières sans les dégrader, en vue de leur donner une seconde vie. Une première dans ce domaine Rencontre avec Raouf Medimagh, directeur général et cofondateur de l’entreprise RECYC’ELIT

Publié le 29/04/2025

Pourriez-vous décrire l’innovation mise au point par votre entreprise ?

Raouf Medimagh : Nous sommes spécialisés dans le recyclage des textiles à base de polyester. L’objectif est simple : offrir une nouvelle chance à des matériaux qui, jusqu’à présent, étaient condamnés à être enfouis ou incinérés après un seul usage.

Notre technologie fonctionne de manière sélective, afin de dissocier le polyester des autres fibres utilisées dans la fabrication des vêtements, comme le coton, l’élasthanne ou le nylon. Les technologies traditionnelles ne permettent pas de recycler ces matériaux complexes de manière satisfaisante.

Grâce à notre innovation, nous réussissons à déconstruire la matière via une méthode de chimie unique, préservant ainsi la qualité du polyester et des co-matières telles que l’élasthanne, qui peuvent être récupérés sans dégradation. On peut ainsi réutiliser les matières pour de nouvelles fabrications textiles, dans un processus cyclique quasi-infini.

 

Dans quel contexte ce procédé original a-t-il vu le jour ?

Raouf Medimagh : Dans les années 2016-2017, la Chine a annoncé qu’elle ne souhaitait plus réceptionner les déchets textiles européens. Ce changement a obligé toute la filière à remettre en question ses pratiques. Nous avons alors réfléchi à une alternative intéressante de recyclage pour certains de nos plastiques utilisés en grande quantité, en tentant de privilégier des pistes moins consommatrices d’énergie.

Le défi pour trouver une véritable solution de rupture était de taille. Les méthodes de recyclage classiques opèrent à de hautes pressions et à des températures élevées et conduisent malheureusement à la destruction de l’élasthanne, générant ainsi un nouveau déchet.

Notre souhait était donc de trouver une méthode qui non seulement réduise la consommation d’énergie, mais offre également une qualité de recyclage supérieure.

 

Où en êtes-vous dans le processus de maturation de cette innovation de rupture ?

Raouf Medimagh : Notre développement se situe aujourd’hui à une phase préindustrielle, grâce à un pilote capable de traiter une tonne de textiles par an. Nous souhaitons accélérer tout cela en 2025 en investissant dans un démonstrateur industriel avec une capacité annuelle de traitement de 10 à 30 tonnes. Celui-ci nous permettra ensuite d’engager une nouvelle phase :  le design et la construction de notre première usine. Pour y parvenir, nous espérons disposer d’ici 2027 ou 2028 de l’ensemble des éléments nécessaires, sur la base des données et des projections futures sur les performances. Notre objectif est de lancer cette production innovante à grande échelle en France.

 

Comment peut-on décrire les perspectives de marché qui découlent de cette nouvelle offre ?

Raouf Medimagh : Le potentiel de développement derrière cette innovation est très important. Au-delà du marché des textiles associant polyester et élasthanne, nous étendons également ce procédé à l’ensemble des déchets complexes, notamment des textiles combinant du polyester et du coton, très répandus sur le marché. Nous nous intéressons au recyclage des vêtements mais aussi des textiles techniques tels que les EPI.

Dans les produits de l’industrie textile, chaque co-matière a ses contraintes et ses spécificités dont nous devons tenir compte. Il y a bien sûr des ajustements et des différences qui demandent une adaptation, mais notre innovation ouvre clairement la voie à de nombreuses perspectives sur ce plan.

Parallèlement aux innovations concernant les différentes matières premières, nous gérons une montée en échelle, qui a pour but de vérifier que le procédé reste reproductible, stable et industrialisable avec de grands volumes.

L’un des défis importants à relever concerne aussi la localisation des activités. Nous pensons que des solutions comme les nôtres doivent être implantées au plus près des déchets. Il s’agit là de choix stratégiques essentiels à opérer, en privilégiant la proximité avec des filières de recyclage et de valorisation plastique déjà constituées.